Depuis 2019, un trafic de médicaments s’est développé en France avec l’usage de fausses ordonnances. Récupérés par des « mules » dans les pharmacies sans débourser un centime, ces médicaments sont ensuite revendus à prix d’or à l’étranger. Une escroquerie en forte augmentation qui fait craindre une possible pénurie.
Un trafic international piloté depuis les réseaux sociaux
Détecté depuis 2019 par l’Assurance Maladie, cette escroquerie à la fausse ordonnance semble avoir pris de l’ampleur avec la mise en place d’un véritable cartel 2.0 parfaitement organisé.
Orchestré depuis les réseaux sociaux, les médocs-trafiquants recrutent des mules à travers des petites annonces promettant de l’argent facile. Une fois accroché, le candidat doit envoyer, via la messagerie cryptée Telegram ou sur Snapchat, un message avec ses nom, prénom, âge, ville et adresse mail.
Seule condition pour être recruté : bénéficier d’un remboursement à 100 % des médicaments, via une mutuelle, ou via la PUMa (ex CMU).
La mule reçoit alors en retour une fausse ordonnance à son nom par courriel. Il lui suffit ensuite de récupérer les médicaments, sans rien payer, dans une pharmacie et de les livrer aux trafiquants, moyennant 200 € par boite. Ces traitements partent ensuite à l’étranger pour y être revendu à prix d’or, notamment en Égypte.
Des fausses ordonnances de plus en plus vraies
Les fausses ordonnances ont tous les atouts pour passer pour des vraies : nom et adresse du médecin sur l’en-tête, descriptif du traitement prescrit et montant. Il y a même la signature du médecin.
Du grand art qui ne peut que tromper la vigilance des pharmaciens. D’autant que la qualité des faux semble progresser au fil des mois. Il n’est, en effet, pas rare de voir aujourd’hui sur ces fausses ordonnances le tampon du médecin avec son numéro RPPS (Répertoire partagé des professionnels de santé), selon l’Ordre national des pharmaciens.
Les médicaments visés sont évidemment des traitements coûteux, comme ceux contre les cancers ou des hormones de croissance. On parle de tarifs variant de 300 à plus de 20 000 € la boite.
Au point que le Sirasco (Service d’information, de renseignements et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée) n’hésite pas à tirer la sonnette d’alarme sur ces escroqueries « frauduleuses de médicaments à forte valeur ajoutée » : non seulement, elles portent « un préjudice très élevé pour l’Assurance Maladie », mais pourraient aussi poser un problème à terme sur la disponibilité des traitements.
Depuis le début de 2022, ces arnaques à l’ordonnance auraient coûter plus de cinq millions d’euros à l’Assurance Maladie. Et on ne parle ici que des fraudes détectées. L’ampleur de cette escroquerie pourraient donc être beaucoup plus importante.
La Sécu appelle les pharmaciens à la vigilance
Face à ces dépenses frauduleuses qui n’arrangent pas le déficit de l’Assurance Maladie, la Sécurité sociale a décidé d’aider les pharmaciens à repérer ces fausses ordonnances.
A partir du mois d’octobre, un « mémo de dix erreurs classiques commises par les faussaires » va être mis en place, dans un premier temps. Il s’agit pour les pharmaciens de faire attention à :
- L’incohérence du profil du demandeur avec le traitement ;
- La molécule prescrite ;
- L’inadéquation entre l’emplacement de la pharmacie et la localisation du prescripteur ;
- Le comportement de l’acheteur ;
- Ou même, les fautes d’orthographe sur l’ordonnance.
En attendant, certains pharmaciens limitent la délivrance des médicaments à une durée de un mois.
De son côté, la justice commence à bouger. En mai, un trafic de médicaments anticancéreux, par le biais de fausses ordonnances, a débouché sur la condamnation de 14 personnes à des peines allant jusqu’à 7 ans de prison, devant le tribunal correctionnel de Mulhouse.
Prenant sa source à la frontière suisse, ce trafic passait par Barbès avant d’aboutir en Égypte. Le couple d’Égyptiens à la tête de ce trafic a fait appel.
Aujourd’hui, pour lutter contre ce type de fraude, le gouvernement parle de placer les ordonnances sur un serveur sécurisé avec un système de QR code, à partir de 2024. Une mesure que réclament l’Ordre des pharmaciens et la Caisse nationale d’Assurance Maladie.