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Entre abus et réticence, les téléconsultations en question

Pratique en plein essor depuis la pandémie de covid, les téléconsultations sont dans le collimateur des patients et des professionnels. Représentant aujourd’hui près de 25 % des consultations médicales, elles ont manifestement leur place dans le parcours de santé. Mais en plus des abus constatés, l’e-santé a encore du chemin à faire pour convaincre de son efficacité.

1.L’e-santé avance à petits pas

C’est le confinement, suite à la pandémie de covid, qui a fait exploser le nombre de téléconsultations. Logique : quand on est malade et qu’on ne peut pas sortir de chez soi, le seul moyen est d’essayer de joindre son médecin par téléphone pour lui demander quoi faire.

Il n’y a donc pas de réel blocage des Français sur l’usage du digital. Nous en avions déjà un aperçu avec l’enquête de l’Argus de l’Assurance, en avril dernier (Voir notre article : Mon espace santé : un nouveau pas vers l’e-santé).

Nous sommes en effet majoritairement favorable à la numérisation du parcours médical. Les Français y voient un outil de partage de documents entre professionnels de la santé, permettant une amélioration du suivi médical et une simplification des démarches.

Mais il n’est, par contre, pas question de supprimer le contact direct avec son médecin. Quand on parle de santé, on pense à des êtres humains, fait de chair et d’os. Nous ne sommes pas des 0 et des 1. Genre tu veux ou tu veux pas. Majoritairement, on ne veut pas de prise de rendez-vous par un robot.

Ces réticences au tout numérique sont … humaines. Surtout du côté des seniors. Les jeunes, eux, n’hésitent pas à utiliser internet ou à consulter en ligne à propos de leur santé.

Reste que la téléconsultation ne peut pas répondre à toutes les situations. C’est comme l’alcool : il ne faut pas en abuser.

2.Téléconsultations : ne pas en abuser

Représentant aujourd’hui environ 25 % des consultations médicales en moyenne, le pourcentage de téléconsultations grimpe à 80 % en médecine générale. On parle même de près d’un million de téléconsultations chaque mois sur la plateforme Doctolib. Et les cabines de téléconsultations fleurissent dans les supermarchés, avec leur lot d’erreurs de diagnostic.

Certes, l’effet covid a un rôle dans cette situation, mais les délais d’attente pour avoir un rendez-vous chez un médecin sont, sans aucun doute, aussi responsables du nombre croissant de téléconsultations. Il faut en effet compter une semaine pour avoir un rendez-vous chez un médecin généraliste, et près de deux mois pour voir un spécialiste.

Ces délais, particulièrement longs quand on est malade, avaient déjà été mis en cause dans la saturation des services d’urgence hospitaliers.

Autre raison qui explique cette explosion des téléconsultations : les déserts médicaux. Quand vous êtes obligé de faire plusieurs dizaines de kilomètres avant de pouvoir consulter un médecin, prendre son téléphone pour trouver une solution rapide est tout à fait compréhensible. Surtout en période de crise de l’énergie.

Pour autant l’Assurance maladie souhaite « mieux réguler les pratiques ». Car, non seulement les abus constatés coûtent très chers à la Sécurité sociale, mais, de plus, les téléconsultations ne peuvent pas répondre à toutes les situations.

Ainsi, on a constaté une prescription d’antibiotiques beaucoup trop importante en téléconsultation. Certes cela rassure les patients, mais, sans examen, il est parfois impossible d’avoir un diagnostic pertinent.

Par exemple, les antibiotiques ne sont pas nécessaires dans la plupart des cas d’angines, car la majorité est virale. Mais sans un examen de la gorge, impossible de savoir. De même pour la bronchite : sans écoute des poumons, comment être sûr que le patient a besoin d’antibiotiques.

Entre surmédication et trou de la Sécu, les raisons ne manquent de se pencher sur le malade.

3.Arrêts maladie, médecins traitants… Un parcours de soins semé d’embûches !

Autre dérive des téléconsultations : les arrêts de travail. D’aucuns n’hésitent pas à parler de fraude sociale. Il faut dire que certains assurés auraient recours à plusieurs téléconsultations dans une même journée, jusqu’à obtenir un arrêt maladie.

Conséquence, l’Assurance maladie envisage fortement de ne plus rembourser les arrêts de travail non prescrits par le médecin traitant à partir de juin 2023. Il lui est en effet impossible de discerner si l’arrêt maladie a été prescrit en présentiel ou en téléconsultation. Par contre, elle peut voir si c’est le médecin traitant qui l’a prescrit. Une mesure qui semble avoir l’assentiment des médecins libéraux.

Cette importance des médecins traitants dans le parcours de soins est assurément indispensable, mais elle commence à poser quelques problèmes. Car, comme le révèle une enquête de l’UFC Que Choisir, il semble de plus en plus compliqué de trouver un médecin traitant.

44 % des médecins généralistes refusent désormais de devenir les médecins traitants de patients qui leur demandent. La raison ? 71 % des médecins généralistes considèrent qu’ils ont déjà trop de patients. Avec pour résultat que plus de 5 millions de Français n’ont pas de médecin traitant.

Certes , pour « mieux réguler les pratiques », une convention avait déjà été signée en juillet 2021 empêchant de dépasser plus de 20 % de téléconsultations dans le total des consultations d’un professionnel de santé. Mais cette limite semble avoir été concrètement mise de côté par plusieurs médecins récemment, sans parler des services « au black » proposés sur Leboncoin.

Hélas, comme toutes les bonnes choses ont une fin, la prise en charge des téléconsultations à 100 % par l’Assurance maladie a pris fin le 30 septembre dernier. Après cette mesure exceptionnelle, mise en place à cause de la crise sanitaire, on revient à un remboursement classique des téléconsultations à hauteur de 70 % du tarif conventionnel, sauf exceptions type ALD…

Et avec, bien sûr, les conditions habituelles de prise en charge : respect du parcours de soins coordonné, proximité géographique du médecin…

Ce retour à la normale ne peut que satisfaire les OCAM (Organismes complémentaires d’Assurance maladie) qui souhaitent jouer leur rôle dans les process de santé.

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